Big Magic, d’Elizabeth Gilbert

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Big Magic, Elizabeth Gilbert, 304 pages.

Ce livre est une véritable ode à la création. Je l’ai lu en anglais mais il est disponible en français sous le titre « Comme par magie » et je l’ai dévoré.

Dans cet ouvrage, Elizabeth Gilbert conseille les auteurs en herbe. Pour elle, il n’y a pas de génie littéraire; la créativité est une entité à part entière qui nous visite quand elle le souhaite mais qu’on ne contrôle jamais. Elle se fait souvent attendre, cette muse parfois difficile, mais il faut l’accepter dans son entièreté quand elle arrive et surtout ne jamais la rejeter ou l’ignorer.

Pour pouvoir l’accepter plus facilement, l’auteure nous conseille de soumettre sa peur, d’accepter l’idée d’être écrivain, de le revendiquer même.

Pour Elizabeth Gilbert, l’inspiration n’appartient à personne, elle fait fi des classes sociales, des origines, des physiques disgracieux. Tout ce qui importe à l’Inspiration, c’est d’être désirée, attendue et bienvenue.

L’idée essentielle de Big Magic est de rassurer tous les auteurs, de relativiser le travail d’écriture, de dédiaboliser le rapport à la création, le processus créatif. Et sa méthode est d’externaliser la créativité qui ne se possède pas mais que l’on reçoit si l’on est attentif et réceptif.

Tout au long des quatre chapitres, l’auteure nous donne son point de vue plus que rafraîchissant sur le processus créatif et son approche, très américaine finalement, a transformé ma vision de l’écriture. La création n’est pas un martyr mais une joie, elle se vit paisiblement.

Elle replace le travail au centre du processus créatif. Et ce dernier devient le salut de l’écrivain ou de l’artiste. Car, pour elle, pas de miracle! Créer sans labeur n est qu’une illusion. Elle nous montre l arrière-cour, les à-côtés, et nous rappelle les réveils matinaux de grands auteurs, éreintés par la tâche mais heureux, s’accomplissant dans leurs reformulations perfectionnistes.

Elizabeth Gilbert conseille aux écrivains, artistes, créateurs de tous les camps d’ être patient, humble et persévérant. Si ces qualités viennent à manquer, le processus créatif peut devenir un chemin de croix, sans retour.

En revanche, pour le créateur persévérant, le succès n’est pas toujours au rendez-vous mais le précieux conseil que nous donne Elizabeth Gilbert est de faire primer le plaisir de créer, écrire pour écrire, prendre du plaisir en dessinant ou en sculptant; mais ne jamais réfléchir aux conséquences de son œuvre.

Ce serait mentir que d’affirmer que seul le processus créatif attire l’artiste. Aujourd’hui, de plus en plus souvent, une œuvre naît plus de la volonté de toucher une audience, de vendre ou encore de choquer…

Mais en se concentrant sur le plaisir de créer,  Elizabeth Gilbert invite le lecteur à recréer des émotions, à raconter du vécu et des histoires  que l’ on prend plaisir à créer, à transmettre.

Facile et agréable à lire, ce livre va forcément stimuler l’écrivain, le peintre qui, parfois, sommeillent en chacun de nous, ou qui peut-être déjà éveillé peine à prendre son envol. Mais une fois cet ouvrage fermé, le lecteur saura que la voie choisie n’est pas de tout repos mais il se jettera sûrement sur son cahier ou ses pinceaux pour commencer sans tarder à faire vivre la magie de la création.

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Le lys de Brooklyn de Betty Smith.

J’ai beaucoup aimé ce très bel ouvrage alliant poésie et réalisme sans concession. Nombreuses sont les petites filles, encore enfants ou déjà grandies, qui se reconnaîtront dans le personnage de Francie. A la fois roman d’apprentissage et ode à l’insouciance, ce livre m’a enchantée.

Francie Nolan est pauvre, très pauvre. Première enfant d’un couple d’amoureux mariés trop jeunes, Francie vit, heureuse, dans le Brooklyn du début du siècle où Irlandais, Italiens et Juifs se côtoient, s’insultent et se toisent. Mais Francie est une Rommery et elle hérite de sa mère et de sa grand-mère un monde empli de rêves pour égayer la misère, pour supporter la pauvreté.

Dès qu’elle apprend à lire, Francie découvre de nouveaux bonheurs. A partir de ce jour, « le monde lui appartient grâce à la lecture. Plus jamais elle ne serait seule, plus jamais elle ne sentirait le besoin d’une amie intime . Les livres devinrent ses amies. Il y en avait un pour toutes les humeurs : les poèmes étaient de doux camarades, l’aventure venait à point quand on était lasse de silence.»

Francie, à travers ses yeux de petite fille fragile, découvre un monde souvent cruel, différent de ses attentes. Mais toujours elle garde les yeux plein d’étoiles, jamais elle ne se décourage.

Véritable plaidoyer pour l’éducation, l’ouvrage décrit l’enfance puis l’adolescence d’une petite fille que ses parents essaient de protéger du monde extérieur, il raconte les artifices que parfois ces derniers imaginent pour expliquer le manque de nourriture les jours de disette, les jeux qu’ils inventent pour travestir une réalité cruelle, mais jamais sale.

De sa naissance à son départ pour l’université, Francie garde ce trésor précieux, héritage familial : l’espérance, l’espoir d’une vie meilleure. Brooklyn est un passage, jamais une fin. Brooklyn est un tremplin qui verra la concrétisation de ses rêves d’enfant, celui d’aller à l’université et de devenir écrivaine.

Voyage à la Nouvelle-Orléans.

Bloquée au milieu d’une parade, dans un shuttle, je découvre, pour la première fois, Nola, intriguée. La fête semble battre son plein, à la fois lointaine et omniprésente. Les clameurs des tambours résonnent au milieu de rires et de hurlements des festivaliers.

Chaque coin de rue vibre sous les sons des trompettes, les danseurs se jettent des colliers, un verre à la main. Un char d’étudiants avance lentement, certain de sa destination forcément festive.

Une fureur de vivre habite la Nouvelle-Orléans et tous les visiteurs tombent rapidement sous le charme, vaudoo, jeté par Nola. Et, l’effet du sortilège est immédiat. Nola m’enchante et je m’émerveille.

Encore emmitouflée dans un châle trop large, je regarde passer ces fous enivrés et je ris, je souris, heureuse.

J’aime cette ville.

Un sentiment de plénitude, de confiance m’envahit et je me sens presque chez moi, à la Nouvelle Orléans, cette ville à la fois si folle et si sage.
Mon voyage a duré une semaine, et ma perception de Nola est forcément biaisée. Je sais que je ne pourrais jamais ressentir cette tristesse mêlée de colère que doivent vivre chaque jour les Noirs de cette ville, héritiers d’une trop lourde histoire. Je sais également que, accompagnée de ma famille, je n’ai pu profiter pleinement de cette ville à la fois secrète et irréelle.

A la Nouvelle-Orléans, l’atmosphère est empreinte d’une sorte de légèreté teintée de résignation bienveillante.

Le visiteur est touché par la douce harmonie qui règne dans cette ville si différente, si sincère et si entière.

Rien n’est secret ici. Tout se voit. Le sexe, les drogués, l’alcool. Mais ces vices se mêlent à l’amour, au mariage, à la beauté de l’immortalité, à la légende du fantôme de l’amour. Tout se mélange et rien n’est sale, rien n’est vicié. Toute vie se vaut. Qu’elle soit triste, pauvre, riche ou belle.

Et c’est peut-être pour ça que je me suis sentie chez moi dès les premiers instants.

Après un passage dans un restaurant français de la ville, nous sommes allées à Frenchmen Street, rue minuscule, merveilleuse, qui fait résonner chaque âme dans une symbiose de joie et de fête mais aussi d’amour et de respect. Après cet hymne à la vie joué par les musiciens de cette rue, nous avons fini dans un bar à Bourbon Street. Et là, les dessous glauques et tristes de cette ville me sont apparus sous les traits d’une jeune fille, assise sur un rodéo, attirant les potentiels clients en se passant la langue sur les lèvres et en faisant des gestes un peu obscènes. Après quelques chevauchées, elle est repartie, toute menue, avec un homme immense et pas très ragoutant.

L’Amérique que j’ai rencontrée à la Nouvelle-Orléans m’a frappée par son double visage.

J’ai ressenti un profond malaise lors de notre visite d’une plantation. Une vieille dame malade, mal vêtue d’une robe d’époque, était notre guide. Elle s’identifiait, nostalgique, aux anciens maîtres allant jusqu’à parler de « nos esclaves » lors de la visite. Après une longue heure passée à nous raconter la vie de cette famille d’esclavagistes (récit qui n’intéressait qu’elle), la guide nous désigna du doigt les cases en nous indiquant que cette partie de la plantation était laissée à l’appréciation de chacun, tout le monde n’étant pas forcément intéressé, selon elle. Cette anecdote démontrait un peu plus clairement les clivages insurmontables de la Louisiane. Selon le chauffeur de notre car, les Noirs de la Louisiane ne sont pas favorables à cette commercialisation des souffrances de l’esclavage.

L’Histoire n’a pas fait son œuvre et l’ignorance dévastatrice ravage encore bien des cœurs de cette région de l’Amérique du Nord, comme celui de notre guide.
A la Nouvelle-Orléans, le sexe est partout, gratuit, souvent payant mais toujours à portée de mains. Bourbon Street ressemble à un bordel géant, la nuit. Les stripteaseuses racolent devant les bars, sans gêne alors qu’une jeune fille maigrelette se promène, nue, affublée d’une affiche « 1dollar la photo ». Les femmes se jettent des colliers de perles et s’oublient en dansant sous les néons de la ville aux plaisirs faciles. Dans cette rue, tout est à vendre, même sa dignité. Rien n’est secret, les chairs s’étalent et s’achètent, les marchands de potentiels acheteurs.

Des enfants noirs jouent de la batterie sur de vieux seaux en plastique alors qu’ un danseur noir, lui aussi, se trémousse sur une musique dans une tenue futuriste. Près d’eux, des junkies ravagés par la drogue maltraitent un chien couché sur le dos et ne bougeant pas, pas encore mort mais déjà plongé dans les trépas de l’enfer. Des mondes différents mais une même misère, une même détresse, celle des laissés pour compte, celles des Noirs et celles des Blancs délaissés et affamés, unis dans la perte de leur humanité, corrompus par l’argent facile, abreuvés de plaisirs faciles. Mais paradoxalement une douceur miraculeuse continue d’étendre ses ailes sur tous les visiteurs présents.

A Algiers, petite île de la Nouvelle-Orléans, le temps semble s’être arrêté et l’Amérique puritaine reprend ses droits, naturellement, sans concession. Les drapeaux américains flottent sur les portiques et les rues sont désertes. Une loge maçonnique trône discrètement au centre du quartier, en face du lycée. Ici rien n’étonne, seulement parfois les touristes prenant en photo les bicoques en bois.

A la Nouvelle-Orléans, la musique réveille les âmes mortes, l’amour est contagieux et le bonheur à portée de mains si l’on ferme les yeux sur cette tristesse rencontrée dans les regards de certains hommes et femmes confrontés chaque jour à leur Histoire, à leur exclusion.

A la Nouvelle-Orléans, la fureur de vivre est partout, dans chaque bar, dans chaque verre d’alcool mais la résignation que l’on peut lire dans certains regards nous rappelle que des malheurs centenaires et récents ont brûlé les âmes de nombreuses personnes, celles qui regardent les touristes de loin, avec bienveillance et résignation.

Pour se mettre dans l’ambiance…